Être diététicienne à l’hôpital

Hello ! Suite à nos questions/réponses sur instagram, je me rends compte que vous êtes nombreux à être intrigués par mon métier à l’hosto. J’ai donc décidé de vous écrire un petit article pour vous décrire quelles sont mes différentes fonctions en tant que diététicienne à l’Hôpital.

Voilà maintenant 2 ans que je travaille en gérontologie à mi-temps, deux grosses journées par semaines. Si toi qui me lis, pense qu’être diet’ signifie juste régler une commande repas et faire maigrir les gens, tu vas être surpris(e).

Nous sommes 3 diet ‘ à l’hosto mais « équivalent à 1,5 temps ETP pour 9 services + 1 HDJ (hôpital de jour). Je vous laisse imaginer…. Une est à 80%, moi à 50% et la dernière à 20%. Avant de vous expliquer la partie théorique sur le métier, laisse-moi te présenter une de mes journées type :

Ma journée type

(bien qu’elle soit quand même bien différente selon les jours)

9h : J’arrive au bureau après avoir fait coucou à mes collègues en traversant le couloir des réeducateurs (psychomot’ / musicothérapeute / psychologue / Orthophoniste …)

9h05 : Check de mon téléphone pro et ouverture de ma boîte mail et découverte des moults mails : invitations réunion, problèmes de repas, communication générale de l’hôpital, mouvements de certains patients, et malheureusement annonce de décès du long séjour… (pas tout le temps hein !)

9h30/10h : Ouverture du logiciel patient où je vais pouvoir checker les nouvelles prescriptions et organiser ma journée de travail. Préparation des dossiers patients, de mon planning, des suivis diététiques.

10h / 12h : Go dans les services. Pas toujours facile de pouvoir assurer la consultation, les patients ont souvent les séances de kiné le matin. Mais comme j’ai préparé plusieurs dossiers, je peux switcher sans avoir à attendre. Après les consult’ j’adapte directement les repas via les ordis des services, j’échange avec les équipes soignantes sur les changements effectués, je marque sur le tableau du service (au cas où les équipes changent…), j’échange avec les médecins, on adapte ensemble les compléments nutritionnels si besoin…. Coup de fil à la cuisine si il faut des adaptations spéciales…La communication est très importante, chacun est responsabilisé sur ses tâches, le patient aussi quand on peut.

12h / 12h15 : Dégustation contradictoire avec les diet’ de la cuisine. Cette dégustation sert à échanger sur les éventuels couacs ou au contraire les choses qui marchent bien, préparées par la restauration. (A l’hosto, nous avons nos cuisines, mais ce sont des prestataires qui y bossent). Le fait de goûter ensemble sert à harmoniser les menus mais aussi à vérifier que ce qui est servi aux patients est bon et bien adapté (textures….)

12h15 / 13h : Pause miam-miam. On a la chance d’avoir le grand parc de Fourvière pour déjeuner et souffler. Un cadre super agréable pour une pause dej’ avec les collègues pleine de bla-bla légers qui font du bien. On a un self pour ceux qui veulent y manger, mais je préfère m’apporter mon petit Bento 🙂

13h : L’aprem, je m’occupe souvent des suivis. Je revois les patients afin de m’assurer que les adaptations faites leurs conviennent, l’occasion d’échanger avec eux moult choses qui permettent de renforcer l’alliance thérapeutique. Parfois, quand il fait beau, nous faisons les consultations seuls sur un banc dans le parc. Moment que les patients apprécient beaucoup.

14h30 : L’heure des synthèses. Une « réunion » avec rééducateurs, équipe soignante et médecin, pour faire le tour des patients du service (il y a une synthèse pour chaque service ). Nous échangeons sur tout, le moral de la personne, les pathologies, les adaptations diet, adaptations ergo, ortho… Bref chacun sait ensuite où en est le patient. La présence des diet’ à ces synthèses est importante, elle permet de bien appuyer l’importance de la nutrition, et au passage de former les équipes à certaines choses parfois oubliées (penser à stimuler le patient pour l’hydratation, comment se servir des compléments pour enrichir un café au lait etc… ) ou pour tout simplement trouver des solutions tous ensemble pour le patient.

16h : Petite pause d’un quart d’heure où je vais boire un petit café pour m’aérer le ciboulot.

Reste de la journée jusqu’à 18h30 : J’écris tous mes comptes rendus initiaux pour les nouveaux patients, les suivis, les bilans finaux pour ceux qui sortent, affiche les répartitions alimentaires pour aider les équipes si besoin, (et tant que j’y suis je rechange avec eux) écris les conseils de sortie que je vais remettre dans le dossier de sortie, fait des fiches pour les éducations thérapeutiques du patients. Vers 17h45, je vais aussi voir à quoi ressemble les repas du soir…

Et voilà, ma journée est passée ! Bien sur, je n’ai pas toujours cette organisation au carré je vous rassure, il arrive qu’il y ait des réunions, des copils, parfois des formations à faire aux soignants (sur l’intérêt de la collation nocturne par exemple)… et bien d’autres choses qui viennent perturber tout ça. Parfois, j’ai moins la patate, alors j’en profite pour faire du travail de fond, je crée des fiches illustrées pour les patients, avec ma collègue Diet’ nous échangeons sur des cas patients ensemble, ou je lis des articles nutrition qui bien sur, font évoluer ma pratique… La diététique n’est pas quelque chose de figé, encore moins en gérontologie ou parfois, il faut essayer de nouvelles choses… Certains patients ont de gros troubles cognitifs, il faut trouver des moyens pour assurer une prise en charge optimale. Avec d’autres, il faut bien rapprocher les suivis, pour les rassurer. La nutrition a quelque chose de très intime, certains ont du mal à se livrer, à en parler. En évoquant des souvenirs, en parlant d’autres choses (des métiers qu’ils faisaient, de choses agréables qu’ils aiment faire, de leur famille….) certains patients arrivent à se détendre au fil de la consultation.

Vous l’avez compris, ce sont des journées denses.

Le point positif à l’hosto, c’est pour moi la consultation avec le patient. Un moment d’échange, de découverte aussi parfois (j’ai eu une patiente qui travaillait avec les frères Lumière par exemple) et bien souvent un bon moment d’écoute. Et nous avons aussi la chance d’avoir une grande liberté dans la prise en charge diététique (j’ai par exemple un jour, fait un atelier des sens avec un patient atteint d’un cancer qui avait perdu l’odorat et le goût).

Le point négatif, c’est qu’on ne va pas se mentir, les adaptations diététiques, dans notre hosto en tout cas, sont très limitées. Je ne peux pas faire ce que je veux, et suis bien embêtée quand les repas ne correspondent pas aux habitudes du patient. L’autre point négatif, c’est qu’on peut vite tomber dans une certaine routine qui à la longue peut lasser.

diététicienne

Enfin, voici quelques infos supplémentaires sur le diététicien à l’hôpital :

Le diététicien fait partie de l’équipe des rééducateurs de santé

Notre bureau est situé dans le couloirs des rééducateurs : Ergothérapeutes, orthophonistes, psychologues, psychomotriciens, musicothérapeute… (les kinés sont à un autre étage. Nous travaillons bien souvent ensemble, et échangeons régulièrement sur des patients (notamment avec les orthophoniste avec qui nous travaillons main dans la main). Ce travail pluridisciplinaire est plaisant et nous apprenons tous les uns les autres tout en restant chacun reste à notre place. Je vous donne un exemple, imaginons j’ai une prescription pour un patient pour qui je dois effectuer un fractionnement alimentaire car petit appétit. En préparant le dossier, je me rends compte qu’il a bénéficié d’une consultation avec l’orthophoniste, je vais d’abord aller lire son compte rendu et prendre connaissance des adaptations textures et autres… Puis je vais voir le patient, j’essaie de voir ce qui lui convient etc… et là avant toute adaptation sur la commande repas, je vais aller voir l’ortho pour lui demander si tel ou tel produit passe bien, s’il est possible d’élargir ou pas ou si le risque de fausse route est trop grand… l’occasion en plus, d’en remettre un couche dans les services ensuite pour bien prévenir les soignants (l’orthophoniste l’a déjà fait mais mieux vaut 2 fois qu’une :D)

Le diététicien travaille sur prescription médicale

Première chose et qui n’est pas des moindres, c’est le médecin qui fait une prescription médicale pour que le patient bénéficie d’une consultation diététique. Ce qui nous positionne déjà bien, nous les diététiciens, comme professionnel de santé (ce n’est pas clair pour moult personnes donc je pose les choses là 🙂 ). Sans la prescription, je ne suis pas censée aller voir le patient. Parfois je suis appelée en urgence par une infirmière ou le gouvernant car il y a un problème nutritionnel, dans ce cas, je vais voir le patient mais je préviens tout de suite le médecin du service pour qu’il me fasse la pres’. La prescription est toujours accompagnée d’un motif : perte de poids depuis un mois, dénutrition sévère, anorexie : adaptation des repas aux goûts du patients…. En libéral, nous devrions avoir beaucoup plus de prescriptions venant des médecins traitants mais ils restent encore bien timides… ne valorisant pas spécialement notre profession.

Les missions auprès du patient

Les consultations : Evidemment après avoir pris connaissance du dossier médical du patient, avoir discuté avec le médecin souvent, il est temps d’aller voir le patient. Un temps de discussion, d’écoute, de bienveillance. En géronto, nous avons des patients qui entendent mal, d’autres qui ont des problèmes d’élocution, certains sont ralentis (avec la maladie de Parkinson par exemple). Le maître mot est : l’adaptation. Chacun est différent, et l’important est d’établir une relation de confiance qui nous fait passer un bon moment. Les consultations ont des durées complètement aléatoires suivant le patient. A la suite de la consult’, nous écrivons des comptes rendus dans le dossier médical, suivi du poids, suivi de la bio, ressenti du patient.. et bien sur nous précisions toutes les adaptations convenues.

Les adaptations alimentaires : Bien souvent nous allons voir le patients pour adapter l’alimentation à ses goûts afin de stimuler son appétit, mais il faut bien évidemment parfois adapter aussi les repas à sa pathologie (en géronto, ça va, on privilégie à fond les goûts, le plaisir… et surtout on essaie de redonner de l’appétit)…

L’éducation thérapeutique : Les patients ont souvent besoin d’explication. Certains nous posent beaucoup de questions, d’autres attendent qu’on leur explique les choses. Nous avons aussi le rôle de responsabiliser le patient à son alimentation et le rendre autonome. Parfois besoin de briefer les familles (comment faire une alimentation mixée enrichie à la maison par exemple). C’est une partie que j’aime beaucoup, pleines d’échanges et surtout d’adaptation à tous les niveaux.

L’accompagnement à la sortie du patient : Quand le patient sort, nous faisons en sorte de lui donner des fiches de conseils pratiques et claires. Bien souvent je les illustre pour les rendre plus agréables et lisible. Parfois, le patient n’étant pas autonome, il faut former la famille que l’on voit soit en rendez-vous lors d’une visite, soit avec un petit coup de fil. Si le patient réside dans un EHPAD, nous écrivons une fiche de liaison pour l’établissement en résumant tout le suivi diététique ainsi que les adaptations à maintenir.

Le diététicien fait parti du CLAN (Comité de liaison alimentation nutrition)

Nous assistons aux réunions du CLAN mise en place pour améliorer mais aussi trouver des solutions à certains problèmes nutritionnels auxquels nous faisons face. Comment former les équipes soignantes au fractionnement alimentaires ? Quels enrichissements et comment pour l’alimentation du patient ? L’évolution des textures à l’hosto ? La collation nocturne pour le patient qui a du diabète… Bref moult sujet sur lesquels nous travaillons en équipe…

Un médiateurs entre cuisine / équipes soignantes.

A l’hosto où je travaille, ce qui est compliqué c’est que ce sont des prestataires qui bossent pour nous. Ce qui crée parfois des tensions (financières surtout)… Et parfois la communication passe mal entre équipes soignantes et cuisine… Nous devons parfois remonter des problèmes, avoir la version de chacun… Il faut souvent faire preuve de patience et ne pas hâter nos jugements.

Voilà voilà, j’espère que ce petit article vous aura permis de découvrir

Le diététicien assiste à la commission des repas

A chaque saison, le cycle des menus change. Nous faisons une réunion avec le prestataire de restauration qui nous présente les menus prévus… Nous discutons des redondances, des adaptations des aliments (légumes et fruits de saison), de gourmandise et appétence pour les différents plats etc…. Suite à cette réunion, le prestataire fait plus ou moins des modifications (que nous checkons à nouveau) et viens ensuite la présentation des déclinaisons (en différentes textures et régimes). La aussi nous devons vérifier qu’il n’y ait pas quelques coquilles (par exemple un potage de lentilles pour un pauvre en fibres). C’est une des partie que j’apprécie le moins, nous « bouffons » littéralement des pages de menus à vérifier 5 ou 6 fois parfois…

Etre diététicien c’est être professionnel de santé. Hospitalier ou libéral (je suis les deux) c’est nous qui vous accompagnons pour ce qui touche votre alimentation (avec les médecins nutritionnistes). Alors réfléchissez avant de vous lancer dans un régime de magazine, ou auprès d’une personne non qualifiée… Ne mettez pas votre santé entre les mains de n’importe qui… 

diététicienne et soignante

Bon et si vous voulez en savoir plus sur ma reconversion professionnelle c’est par ici : https://leaaax.com/jai-decide-de-changer-de-vie/

 

4 réflexions sur “Être diététicienne à l’hôpital”

  1. Bonjour,

    Merci beaucoup pour votre témoignage. Vous décrivez parfaitement votre quotidien auprès des patients et de l’équipe médicale, avec bienveillance et passion, sans pour autant omettre d’en souligner les côtés négatifs.

    Je pense me reconvertir en tant que nutritionniste et ai trouvé dans votre récit une mine d’informations sur ce métier pratiqué dans le milieu hospitalier.

    Cordialement.

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